dimanche 15 juillet 2012

Retour sur la matinée consacrée à la PHOTOGRAPHIE ET L’ENSEIGNEMENT dans le cadre du colloque Intensités de la photographie. 


Comment enseigne-t-on la photographie en France et à l’étranger ? Quelles sont les spécificités et les missions principales des écoles ? Comment chacune se forge-t-elle une identité forte ? 


Avec Françoise Denoyelle, professeur des universités, École nationale supérieure Louis-Lumière, Phillip S. Block, directeur des programmes à l’International Center of Photography, New York, Olivier Faron, directeur général de l’École normale supérieure de Lyon, John Fleetwood, directeur du Market Photo Workshop, Johannesbourg, Tadashi Ono, professeur de photographie à la Kyoto University of Art and Design, Michel Poivert, professeur à l’université Paris 1 - Panthéon Sorbonne, directeur de l’UFR Histoire de l’Art et Archéologie, Olivier Richon, professeur au Royal College of Art, Londres.

Chaque intervenant a expliqué les spécificités de l'établissement où il enseigne, et nous avons vu que les cursus sont parfois plus théoriques ou plus techniques. Il existe des passerelles entre ces établissements qui cherchent à mener des partenariats.
L'École nationale supérieure de la photographie est la seule école en France dédiée entièrement à la photographie.

Revenons plus précisément sur la nouvelle section de photographie-art contemporain au sein de la Kyoto University of Art and Design, dirigée par Tadashi Ono depuis 2011. Tadashi est diplômé de l’ENSP.

La photographie n'était pas spécifiquement enseignée dans cette université auparavant et Tadashi Ono a fait une proposition innovante partant de l’idée que le système de l’université est obsolète et qu’il n’est pas possible de s’appuyer sur un modèle d’enseignement de Beaux-Arts. Ici la réflexion se nourrit de l’écart entre l’image et, le corps, l’environnement, l’architecture. L’architecture étant une discipline très dynamique au Japon, contrairement à la photographie assez en retard.
Trois mediums sont proposés –mais pas obligatoires- : le dessin, la programmation informatique et la photographie. La photographie n’est pas un but, mais bien un moyen, un outil de réflexion sur le monde.
Le processus est plus important que l’œuvre elle-même. La photographie est envisagée comme une Culture ouvrant parfois la voie aux métiers de l’image : critiques, chercheurs, commissaires, car il y a peu de critique en photographie actuellement au Japon.
L’idée de Tadashi Ono est de susciter auprès de ses étudiants, l’envie de continuer des études par la suite. Ces études pouvant être orientées sciences humaines ou technologie, pour former des profils hybrides et créer quelque chose de nouveau.

Tadashi a observé que la jeunesse japonaise « scanne » l’espace à l’aide de téléphones portables et produit ainsi des images. Par le cursus de la section photographie-art contemporain, il cherche à réintroduire une pensée sur l’acte photographique et sur la production d’image.
A contrario du téléphone portable hyper léger et numérique, les étudiants sont tout d’abord contraints de travailler à la chambre photographique avec des plans films en noir et blanc ! Dans un second temps, les étudiants utilisent des films couleurs, puis ils numérisent leurs films. Ils remontent ainsi la chaîne de la production d’images à l’envers.
Ces bases indispensables ont pour objectif de forcer à prendre le temps lors de la prise de vue, à avoir une meilleure conscience de la construction de l’image et de la lumière, à respecter le medium. À la fin du premier semestre, les étudiants doivent faire des expositions, écrire sur leur travail, en parler et le présenter publiquement.
Comme à l’ENSP, les étudiants doivent réaliser un musée imaginaire, soit choisir entre 10 et 15 images pour proposer un projet imaginaire d’exposition.
Il est très important d’apprendre à regarder aussi, souligne Tadashi Ono.

La première année, les étudiants réalisent 100 dessins par jour, ils mesurent ainsi l’importance de la quantité dans le processus de création, et la problématique de l’épuisement d’idées.
La première promotion d’étudiants est arrivée en 2011, année marquante pour le Japon, suite au tsunami du 11 mars. Tout le Japon s’est trouvé concerné, c’est pourquoi Tadashi Ono, préoccupé par la relation du processus de création lié à son environnement, a emmené ses étudiants travailler sur ce sujet. En deuxième année, tout ce qui a été appris de cette manière-là a pu être appliqué sur d’autres sujets, le processus étant acquit.
Durant la deuxième année, il y a des cours de cinéma, de philosophie, de photomontages, de programmation, des travaux de recherche par rapport à un artiste reconnu… un travail global donc, qui permet aux étudiants d’acquérir des outils théoriques et pratiques, comme à l’Ecole d’Arles !
Les études se poursuivent sur quatre années et plus l’étudiant avance dans le cursus, plus il se concentre sur son travail personnel.

Cette manière ouverte sur le monde d’aborder la photographie, attire de plus en plus d’élèves dans le département de photographie-art contemporain au sein de la Kyoto University of Art and Design. C’est peut-être là un beau pari que Tadashi Ono gagnera : donner envie aux nouvelles générations de s’intéresser au monde extérieur, bien que vivants dans une société à maturité où tout est disponible.
LvN
Kyoto University of Art and Design

Kyoto University of Art and Design
Vue de Kyoto